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Depuis la parution d'Ermites dans la taïga, en 1992, Vassili Peskov a fait de multiples voyages chez Agafia, femme dont la foi et le courage ont passioné plus d'un lecteur. Dans ce nouveau récit, véritable suite à l'histoire de la famille perdue dans la taïga dont Agafia est la seule survivante, on voit l'héroïne malgré elle évoluer au fil des ans. Tandis que l'amitié perdure avec Erofeï, de nouveaux candidats à la vie érémitique dans des conditions primitives et difficiles rejoignent Agafia, dont Sergeï, artiste peintre, et l'étonnante Nadia, qui après une vie dans le péché à Moscou vient elle aussi se perdre au fin fond de la Sibérie.
L'amitié avec Erofeï perdure. Agafia se plaint de sa santé, mais personne ne répond à ses appels à l'aide : la nouvelle Russie n'a plus d'argent pour envoyer un hélico. Un certain Alexeï, trente quatre ans, enfant de la taïga vient vivre " en frère " avec Agafia, puis Vassili passe un hiver avec elle.
Puis la rejoint un artiste-peintre à l'âme d'ermite, Sergueï, dont la radio initie Agafia aux troubles du monde : la Tchétchénie entre autres. Visite surprise d'un hélicoptère des Forces armées spatiales. Une fusée Proton, porteur de satellites lourds, vient d'expulser son deuxième étage au-dessus des terres d'Agafia. Les militaires viennent faire des prélèvements pour mesurer les dégâts toxiques ou polluants, la ferme d'Agafia se présente comme un laboratoire particulièrement propice aux échantillons. Son ermitage, que l'on prenait pour une bulle écologique comme aux premiers matins du monde, est peut-être douché par l'un des agents chimiques les plus mortels qui soient.
Peskov passe seul avec Agafia le 1er août 7505 (calendrier byzantin pratiqué par les vieux-croyants), pour fêter le quinzième anniversaire de leur rencontre.
" Agafia comprend-elle à quelle point sa situation est singulière ? Que oui ! C'est notamment pour cette raison, constate Peskov, qu'elle assume pleinement le fardeau de la solitude au coeur de la taïga et qu'elle refuse de s'installer chez ses cousins. Là-bas, elle serait comme tout un chacun. Or ici, même le gouverneur lui fait porter des fleurs. " Erofeï, personnage pathétique, ex-géologue, ex-trappeur privé d'une jambe par la suite d'une gelure mal soignée, s'essaie maintenant à deux choses nouvelles pour lui : la vieille-foi avec Agafia pour propagandiste, et l'apiculture avec quelques ruches boudées par les abeilles. Sergueï, lui, pratique la peinture sur panneau massif de cèdre. Tous trois font isba à part mais s'entraident comme ils peuvent. La nuit, avec le télescope de Sergueï, on observe le ciel étoilé. Agafia crie à la supercherie, déçue de voir la lune sans visage contrairement à l'illustration d'un livre de prière.
1999. Encore un nouvel ermite auprès d'Agafia : cette fois, c'est une femme prénommée Nadia qui se présente à Peskov comme ayant " beaucoup, beaucoup péché ". Venue se repentir de Moscou, elle a été baptisée par Agafia. Elle restera cinq ans.
Habituellement ironique à l'égard des candidats ermites, Peskov, impressionné par leur persévérance, semble leur vouer cette fois un certain respect. Observation renforcée par cinq journées de séjour forcé en raison du mauvais temps, dans la vaine attente d'un hélicoptère. Il n'oublie pas de présenter la faune qui entoure Agafia. Les prédateurs et les façons de s'en défendre (épouvantails, pièges, fusils), les ours, loups, visons, poissons, rapaces, poules, coqs, chiens, chats, etc.
Fin de l'été. Nadia a fugué ! Quadragénaire, elle s'est échappée sans prévenir Agafia en compagnie de Sergueï et a regagné Moscou après une marche d'une dizaine de jours à travers la taïga. À Moscou, au pied du monument à Pouchkine, elle se confie à Peskov : itinéraire d'une fille déboussolée qui est allée chercher d'autres valeurs jusqu'en Inde, puis en Sibérie.
2005. Agafia a soixante ans. Peskov la trouve à l'ermitage en compagnie d'Erofeï, avec qui elle se chamaille souvent. Rancunière et froissée, elle n'est pas remise de la fuite de Nadia dont elle reçoit des lettres qu'elle laisse sans réponse.
2006. Encore un visiteur venu s'essayer à la vie érémitique : le jeune Rodion, vingt-huit ans, a parcouru cent cinquante kilomètres à travers la taïga avec un sac à dos de trente-cinq kilos. Agafia lui a fait bon accueil et l'a mis au travail. Peskov constate qu'il ne reste plus grand-chose des accessoires " historiques " de la famille Lykov dont l'outillage, les ustensiles, les vêtements. viennent désormais à cent pour cent du monde des hommes. La taïga a repris ses droits sur l'ancienne isba. La tombe du patriarche a perdu sa croix. Agafia elle-même sent ses forces décliner mais réaffirme son bonheur de vivre dans " son paradis sur terre ".
2007. Peskov rentre d'un voyage à Lykovo, vieux nid de vieux-croyants, dont est originaire la " dynastie " des Lykov. C'est là qu'a commencé la fuite épique des aïeux d'Agafia vers le far east russe. C'est aujourd'hui un village d'une centaine de feux, loin du monde mais hérissé d'antennes paraboliques.